Manager de centre-ville : un métier en plein essor et qui recrute des profils atypiques
- hgaultier
- 11 janv. 2022
- 7 min de lecture
Publié le 08 septembre 2021 Gwenole Guiomard. Source :cadremploi
TENDANCE – Les citoyens, post-covid oblige, plébiscitent les villes moyennes et ça tombe bien. Depuis quelques années, le gouvernement les aide financièrement à ressusciter leur centre-ville dont la désertification semblait parfois fatale. Elles font appel à des « managers de centre-ville », des professionnels hyper polyvalents, capables de faire revenir des commerces et des cabinets médicaux mais aussi de gérer des sujets d’urbanisme, de transport, de sécurité ou de propreté… Et si vous proposiez votre candidature à des villes qui ne demandent qu’à développer leur cœur de ville ? D'autant que l'Etat vient de leur donner un nouveau coup de pouce à l'issue de la 4e rencontre nationale qui s'est tenue hier à Paris, après les annonces prometteuses du Congrès des maires des villes moyennes en juillet à Blois. Enquête et interviews de recruteurs de ces profils aux multiples casquettes et de cadres qui ont osé postuler à ces jobs.
Manager de centre-ville : un métier en plein essor depuis le covid
Manager de centre-ville : un métier d’avenir
Manager de centre-ville : des profils polyvalents et atypiques
Les différentes appellations des « managers de centre-ville »
Manager de centre-ville : qui peut postuler ?
Manager de centre-ville : des salaires peu élevés mais qui progressent
Manager de centre-ville : une progression de carrière limitée
Ils témoignent
Mathieu Loué, executive manager senior, (dont secteur public & para-public), cabinet Hays
Emile Roux, manager de centre-ville d’Albi
Roberta Storvik, manager de centre-ville pour la SEM (société d’économie mixte) de Cluses
Anne Boiffard, manager de centre-ville en charge de la direction des affaires économiques à Viroflay
Cyril Mura, responsable de la practice métiers de la sphère publique pour le cabinet de recrutement Michael Page.
Manager de centre-ville : un métier en plein essor depuis le covid
Il n’existe pas de chiffres sur l’essor des postes de managers de centre-ville mais les observateurs de terrain l’attestent. Depuis l’automne dernier, les créations de postes s’accélèrent et les missions pour trouver ces oiseaux rares se multiplient.
Mathieu Loué
C’est le constat de Mathieu Loué, executive manager senior s’occupant notamment du secteur public & para-public pour le cabinet de recrutement Hays. Il manage 8 collaborateurs sur ce pôle traitant 1000 missions par an dont une vingtaine concernant les managers de centre-ville.
« En 2019, mes équipes traitaient une mission de recrutement tous les trois mois. Il y a un an, c’était une mission par mois. C’est, en ce moment, trois missions par mois. La progression est indéniable. »
C’est donc le bon moment pour proposer ses services à des villes moyennes en particulier, qui bénéficient de programmes de revitalisation financés par l’Etat. «C’est la revanche des villes de province situées pas trop loin d’une métropole attractive», déclarait Patrick Lévy-Waitz, président de la fondation Travailler autrement et de l’association France Tiers-Lieux, lors d’une conférence du Figaro sur les bouleversements engendrés par le télétravail
Le manager de centre-ville est l’agrégat de compétences en développement économique, urbanisme et développement territorial. Cyril Mura, cabinet Michael Page
Manager de centre-ville : un métier d’avenir
Il faut dire que l’Etat veille sur l’avenir des villes moyennes, jugé par 50% des Français comme un cadre idéal de vie : un grand plan d’investissement 2018-2022 de 5 milliards d’euros – appelé Action Cœur de Ville – a été lancé pour développer l’attractivité de 222 villes moyennes (de 20 000 à 300 000 habitants) à travers la revitalisation de leur centre-ville. La 4e rencontre nationale, qui s’est tenue hier à la Cité de l’architecture, a été cloturée par le président de la République en personne, preuve de l’importance de ces sujets territoriaux. Le manager de centre-ville agit concrètement pour réhabiliter les logements afin de faire revenir des citoyens, ramener des commerces au centre-ville, reconvertir les friches industrielles, mettre en valeur l’espace public, créer des événements pour favoriser le vivre ensemble, etc. Le Premier ministre vient de prolonger ce programme jusqu'en 2026. De quoi financer de nouveaux postes de manager de centre-ville. A vos CV...
Manager de centre-ville : des profils polyvalents et atypiques
Emile Roux
« Le manager de centre-ville est un véritable couteau suisse », explique Emile Roux, qui a été recruté par la ville d’Albi en mai dernier. Il a 36 ans, est diplômé de l’ISTEC (Ecole supérieure de commerce et de marketing de Paris) et exerçait les mêmes fonctions depuis 2 ans à Montréal, au Canada. « Cet expert peut s’occuper du commerce des cœurs de ville mais aussi de l’habitat, des transports, de la sécurité ou de la propreté. Il est donc amené à discuter avec l’ensemble des services d’une ville dans le but de s’assurer que la commune réponde aux besoins de ses usagers », poursuit-il. Mieux vaut être curieux, bon communiquant, visionnaire, créatif pour réussir ces multiples missions.
Roberta Storvik
« Mon travail est très varié. Il consiste, par exemple, à effectuer une veille pour diversifier l’offre commerciale de ma ville, ajoute Roberta Storvik, la franco-canadienne manager de centre-ville pour la SEM (société d’économie mixte) de Cluses. A 47 ans, elle est diplômée du Master en marketing international de l'EM Lyon. J’accueille, par ailleurs, les porteurs de projets pour les aider à s’installer dans notre ville et éviter, ainsi, les vacances commerciales. Je travaille aussi sur le lancement d’une couveuse de commerces, sorte de pépinière pour épauler et subventionner l’installation de nouveaux commerçants. J’ai participé également au lancement de « www.bonjour-cluses.com », un site « click and collect » pour digitaliser le travail de nos commerçants. Mon but ultime est de dynamiser le centre-ville et les autres polarités commerciales pour rendre notre commune attractive ».
Les différentes appellations des « managers de centre-ville »
On retrouve différentes appellations pour ce profil dans les offres d'emploi :
Manager de centre-ville
Manager de commerces
Développeur de commerces de demain
Manager de commerces de proximité
Manager action cœur de ville
Chargé de mission développement commercial, artisanal et touristique
Développeur économique et commercial centre-ville
Manager de centre-ville : qui peut postuler ?
Il est à noter que « jamais une collectivité n’a exigé une formation diplômante spécifique, sachant que ce type de poste est l’agrégat de compétences en développement économique, urbanisme et développement territorial et qu’aucune formation n’était proposée jusqu’à récemment, précise Cyril Mura, responsable de la practice métiers de la sphère publique pour le cabinet de recrutement Michael Page. Ils recherchent avant tout une expérience professionnelle et des qualités relationnelles aiguisées ».
A titre d'exemples :
Tarbes (42 000 habitants) recherche un "manager action cœur de ville" diplômé Bac+3 avec "une expérience sur un poste de commercialisateur du foncier commercial indispensable"
La ville d'Apt recherche un profil polycompétent de manager de centre-ville, doté de "bonnes connaissances par une expérience diversifiée du monde du commerce, de l’urbanisme commercial et des collectivités locales"
La commune de Sainte-Livrade-sur-Lot (6500 habitants) recherche un "manager de centre-ville" orienté sur la redynamisation des commerces mais avec un profil plus large en aménagement, commerce ou économie (bac+2 minimum)
Deux communes de l'Eure (Mesnils-sur-Iton et Verneuil d’Avre et d’Iton) se mettent ensemble pour recruter leur "manager de centre-ville commerce et artisanat" qui travaillera avec 2 chefs de projet du programme "Petite ville de demain". Diplôme exigé : Master ou équivalent dans le domaine du commerce, du marketing ou de l’aménagement du territoire".
Les cabinets de recrutement éprouvent des difficultés à recruter des managers de centre-ville. Il ne faut donc pas hésiter à leur faire parvenir votre candidature spontanée.
Anne Boiffard
« Pour être embauché, j’ai simplement envoyé un CV et une lettre de motivation, raconte Anne Boiffard, manager de centre-ville en charge de la direction des affaires économiques à Viroflay. A 50 ans, elle est diplômée de l’Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole de Paris. Pour décrocher ce type de job, il faut montrer au recruteur que l’on a compris son territoire. C’est essentiel d’avoir travaillé sur les comptes-rendus des conseils municipaux, d’analyser la ville et ses partenaires… ».
Une formation via le Cnam ou une grande école de management facilitera parfois les choses.
L’IAE de Caen propose, ainsi, un cursus spécialisé en lien avec le CMCV. Ce Club des managers de centre-ville diffuse aussi des offres d’emploi. Son équivalent belge dispense aussi des informations intéressantes sur son site.
Manager de centre-ville : des salaires peu élevés mais qui progressent
Dans ce monde des managers de centre-ville, les salaires débutent à 25 000/35 000 euros brut par an avec trois ans d’expérience, pour une petite collectivité hors Ile-de-France. Ensuite, au fur et à mesure, on progressera et les mieux payés termineront leur carrière à 60 000 euros brut par an. Peuvent s’ajouter à cela des primes ou des bonus indexés sur objectifs pouvant représenter 5 % du salaire en plus.
« Notre dernière mission a concerné un gestionnaire de centre-ville en région parisienne, précise Mathieu Loué, de Hays. Le candidat choisi avait 7 ans d’expérience et passait d’une petite à une moyenne collectivité. Son salaire a été fixé à 48 000 euros brut par an ».
Cyril Murat
Cyril Mura, de Michael Page, affine en préférant annoncer des salaires nets : « Un attaché débutant sur ce type de poste percevra environ 2 100 euros net par mois alors qu’un expérimenté pourra atteindre les 3 000 à 3 500 euros nets par mois. Pour toucher plus, le poste de directeur permet d’atteindre les 4 000 euros nets par mois alors que celui de directeur général adjoint attractivité et développement territorial percevra quelque 6 000 euros net avec quelques dizaines ou centaines d’agents sous ses ordres. Enfin, un directeur général des services, qui peut être l’une des fonctions permettant d'être promu quand on est manager de centre-ville, peut être payé, dans des collectivités importantes, jusqu’à 7 000 euros net par mois ».
Manager de centre-ville : une progression de carrière limitée
En France, le métier est relativement récent même si, en Amérique-du-Nord, ce type de poste existe depuis le début des années 1970. C’est pourquoi la gestion de leurs carrières est encore balbutiante. Le mieux, pour progresser et augmenter son salaire, est alors de passer dans une plus grande ville. Il est aussi possible, mais c’est plus difficile, de croitre au sein de sa structure. Il faudra alors tenter d’agrandir son périmètre, par exemple, vers le développement économique de sa ville. Mais il faut aussi être prêt à voyager, accepter des CDD et composer avec des élus (pas toujours faciles), des usagers/électeurs (pas toujours coopératifs) et des commerçants (pas toujours calmes).

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